Le Gouverneur Erwin Bischof, ou l’amitié rotarienne en actes

Monday, February 16, 2015

Jean-Philippe Chenaux Journaliste RP indépendant

Un émouvant hommage a été rendu vendredi 13 février en l’Eglise du Saint-Esprit, à Berne, à notre Gouverneur Erwin Bischof, décédé le 3 février après une longue maladie consécutive à un accident. Parmi les nombreux participants présents à cette cérémonie d’adieu, on relevait la présence de plusieurs Rotariens, notamment du Dr Pierre Graden (RC Les Reussilles), le Gouverneur actuel du District, d’Yves Tabin (RC Sion), le Gouverneur désigné pour la période 2015-2016, et de Jean-François Longchamp (RC Morges), adjoint du Gouverneur. Le soussigné y était à titre personnel, en sa qualité de confrère et d’ami de longue date.

Erwin Bischof avait pour devise « liberté, indépendance, famille », ainsi que l’a rappelé son fils Christian, lui-même rotarien (RC Bern Kirchenfeld).

Parcours époustouflant que celui du défunt : né le 16 octobre 1940 à Zoug, originaire d’Eggersriet (SG), ce fils d’un électricien commence par faire un apprentissage de commerce (1956-1959) avant d’obtenir, sur le tard, sa maturité fédérale. De 1963 à 1969, il étudie l’histoire contemporaine et la littérature allemande aux Universités de Berne et Bonn. A Berne, il porte les couleurs rouge-or-bleu de la société d’étudiants Zähringia, qu’il a l’occasion de présider. Il décroche en 1969 son doctorat en histoire contemporaine avec une thèse sur le séparatisme rhénan, éditée chez Lang. De 1969 à 1970, il est à l’Institut d’histoire de Berne l’assistant du professeur Walther Hofer, spécialiste du national-socialisme et de tous les systèmes totalitaires.

Polyglotte accompli – en plus de sa langue maternelle, il pratique couramment le français, l’italien, l’anglais, maîtrise le russe et l’arabe, et a fait l’apprentissage du latin et du grec ancien –, il entre dans la carrière en qualité de diplomate à Varsovie où il emmène sa jeune épouse Irene, rencontrée à Bonn. De 1973 à 1975, il œuvre à Genève et à Helsinki comme secrétaire exécutif adjoint auprès de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), devenue Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). De 1975 à 1980, il travaille comme porte-parole au Département fédéral des affaires extérieures (DFAE), avant d’ouvrir une agence de relations publiques en 1980.

Erwin Bischof se lance dans la politique. Il est conseiller communal à Bolligen (1984-1986), puis député radical au Grand Conseil bernois (1986-1991). Rédacteur du Trumpf Buur, publication droitière créée au début de la Guerre froide et éditée sous la bannière de l’Aktion Freiheit und Verantwortung, cet esprit libéral a refusé de faire campagne contre le suffrage féminin. En 1993, il fonde l’association Interforum, qui organise des symposiums et des séminaires pour des milieux économiques dans toute la Suisse.

Le disciple de Walther Hofer fait lui-même œuvre d’historien : il s’attaque à des sujets totalement délaissés par l’historiographie contemporaine, celui des relations entre la Suisse et la RDA et celui de l’activité de la Stasi dans notre pays. Dans un premier livre, Honeckers Handschlag (Berne, 2010), titre faisant référence à la poignée de main qu’Helmut Hubacher, président et figure historique du PS suisse, avait échangée en 1982 avec le dirigeant est- allemand Erich Honecker, il relève les compromissions d’un certain nombre de notables suisses avec le régime totalitaire est-allemand à partir des années 60. Dans un second livre,

Verräter und Versager (Interforum, 2013), préfacé par l’ancien conseiller fédéral Rudolf Friedrich, il montre, à travers plusieurs cas, comment la police secrète est-allemande a infiltré des partis politiques, des églises, des associations, des milieux économiques et universitaires suisses (y compris l’Université de Fribourg). Ces ouvrages résultent de recherches entreprises dans pas moins de quatorze fonds d’archives en Suisse et en Allemagne, dont celui de la Stasi à Magdebourg.

Le Rotary perd avec Erwin Bischof un de ses membres les plus actifs et les plus attachants. Comme l’a rappelé Pierre Graden lors de la cérémonie d’adieu, il a d’abord été membre du RC Bern-Muri (1984-1996), puis il a été le cofondateur et le premier président du RC Bern Christoffel, un club mixte qui a accueilli son épouse Irene, psychothérapeute, et où lui-même avait la classification « relations publiques ». Devenu assistant du Gouverneur en 2011, il était responsable des clubs de la ville de Berne, du Seeland et de Bienne. Nommé Gouverneur pour 2014-2015, il avait choisi comme thème « la jeunesse ». Son second fils, Michael, a été admis au RC Zürich City en 2013. On saura tout particulièrement gré à Erwin Bischof d’avoir valorisé la fonction d’assistant du Gouverneur au sein du District et d’avoir publié il y a deux ans une étude solidement documentée sur Thomas Mann et le Rotary, ou comment le poète allemand a lutté contre la barbarie du national-socialisme (Interforum, 2013).

Nous assurons sa femme, ses deux fils et toute sa famille de notre vive sympathie. Nous conserverons la mémoire de cet historien de talent et de ce Rotarien exemplaire.